Les grands-parents dans la vie de bébé

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grands-parents avec leur petite fille

Un rôle de transmission 

Papy et Mamie ! Voilà comment (la plupart du temps) vont se faire appeler, lorsque leurs enfants deviendront parents à leur tour, des personnes qui depuis plusieurs années étaient plutôt Papa et Maman. Le mouvement des générations va faire un pas en avant.

Outre le coup de vieux que cette situation va peut-être provoquer chez certains, ce passage est souvent vécu beaucoup plus sereinement que le fait de devenir parent parce que les grands-parents ne sont pas aux premières loges, ils n’ont pas à s’angoisser sur la bonne façon de faire, ils n’ont pas la responsabilité de faire d’un bébé un adulte accompli. 

Pour autant, leur rôle est-il négligeable ? Certainement pas, selon le Dr Julie Rolland, pédopsychiatre, qui nous en dit plus sur ce sujet.

Docteur Julie Rolland, pédopsychiatre.

Quel est le rôle des grands-parents ? 

Tout d’abord, l’arrivée d’un enfant dans une famille donne lieu à une réorganisation : les enfants deviennent parents et les parents deviennent grands-parents. La place et le rôle de chacun sont redistribués. Les jeunes parents doivent arriver à trouver un ajustement entre, d’une part profiter de l’expérience de leurs propres parents en prenant conseil auprès d’eux, et d’autre part exercer leur propre parentalité. 

Ce changement se fait sur une base, celle des relations qui existaient déjà au sein de la famille : cela peut être l’occasion de majorer ou d’amplifier des difficultés. Mais cela peut être aussi l’occasion d’échanger et d’aplanir, voire d’assainir les choses. Les grands-parents ont essentiellement un rôle de transmission. Ils transmettent l’histoire de la famille : ce sont des passeurs d’histoire. En racontant comment ça se passait quand ils étaient petits, ils apprennent premièrement à leurs petits-enfants qu’ils ont eux-mêmes été petits, ce qui va probablement les intéresser et susciter des questions, mais ils ont aussi connu les parents de l’enfant petits et vont en donner une image bien différente de celle qu’ils ont avec leurs yeux d’enfants, favorisant une identification au parent et une compréhension de la dynamique familiale.

Tout ce passé qu’ils peuvent raconter aux petits-enfants va donner à ceux-ci
un sentiment d’appartenance qui sera une assise pour leur propre construction.

Outre ce rôle de transmission, les grands-parents ont un rôle de soutien et de relais. Ce rôle concret variera selon leur âge et leur disponibilité. Des grands-parents encore jeunes et actifs ne tiendront pas le même rôle que ceux qui sont à la retraite et plus âgés. Ce soutien et ce relais peuvent être matériels : aller chercher les enfants à l’école ou les amener à leurs activités parascolaires. Ça peut aussi être moral : en écoutant les problèmes que les parents peuvent leur confier dans des moments de découragement, de fatigue excessive… 

Généralement, les grands-parents ont la chance de pouvoir avoir des rapports plus « décontractés » avec leurs petits-enfants parce qu’ils n’auront pas à gérer des contraintes de devoirs, d’horaires, etc. Les moments passés ensemble pourront être ludiques et seront d’ailleurs souvent l’occasion de partager des jeux, ce qui est plus compliqué pour les parents qui sont pris par le temps.

L’enfant a-t-il besoin de ses grands-parents ? Peut-il y avoir un manque s’il est élevé sans contact avec eux ? 

Ça dépendra beaucoup des raisons pour lesquelles les grands-parents sont absents. Parce qu’une personne absente physiquement, même si c’est parce qu’elle est décédée, peut tout de même conserver sa place si on continue à parler d’elle

C’est aussi vrai lorsqu’un des parents est absent pour de longues périodes, à cause de son travail par exemple. Si l’autre parent continue de parler de lui, l’absence aura moins de conséquences. Donc, même si l’absence est due à la force des choses, il y a moyen de maintenir le lien. 

Si l’absence est due à un conflit entre les parents et les grands-parents, là ça risque d’être plus problématique, car c’est souvent entouré de non-dits, de secrets. L’enfant peut souffrir d’un manque dans son identité, parce qu’il a besoin de savoir d’où il vient au-delà de ses parents.

Mais adulte tenant la main d'un enfant

Grands-parents gâteaux ou nounou ?

Les grands-parents comme mode de garde, est-ce une bonne idée ? 

Encore une fois, ça dépend de l’état des relations entre les parents et les grands-parents et ça dépend si c’est un véritable choix de la part des deux parties. Parfois, la question ne se pose même pas parce que financièrement c’est la seule solution. 

S’il y a une bonne entente entre les parents et les grands-parents, oui, c’est une bonne idée. Il faut bien entendu qu’on se mette d’accord sur les grands principes d’éducation, les grands-parents ne doivent pas défaire ce que les parents tentent de faire, mais si les grands-parents se retrouvent à jouer ce rôle de nounou, ils seront moins « grands-parents gâteau » par la force des choses.

L’avantage, c’est que les grands-parents, à cause de leur expérience de parents, sont adoucis d’un point de vue éducatif. Ils ont du recul qui leur permet d’être moins stressés, moins autoritaires et de garder le cadre d’une façon différente. Les parents subissent une très grosse pression sociale, leurs enfants sont un peu leur carte de visite et s’ils se comportent mal, les parents peuvent se sentir jugés sur leurs compétences. Cette hantise des parents d’être jugés à travers leurs enfants peut se ressentir dans leur façon de les éduquer. 

Les grands-parents n’ont pas du tout cette pression. En principe, ils ont plutôt bien réussi leur boulot de parents puisqu’ils ont réussi à ce que leur enfant devienne parent à son tour. Alors ils peuvent tenir le rôle de nounou sereinement. L’important est qu’il y ait une continuité éducative. Il ne faut pas craindre que les grands-parents perdent leur rôle de grands-parents s’ils endossent celui de nounou. 

Mais ça peut se passer beaucoup moins bien si la situation n’est pas choisie librement par les deux parties. On peut imaginer une forme de chantage émotionnel, par exemple, une grand-mère qui vivrait comme une trahison le fait qu’on ne lui confie pas la garde de ses petits-enfants. 

Si le choix n’est pas librement consenti, ça risque de mal se passer des deux côtés.

Les grands-parents doivent-ils faire preuve d’autorité envers leurs petits-enfants ? 

Il en faut un minimum, ne serait-ce que pour des questions de sécurité qui ne doivent pas être négociables, comme donner la main à un tout-petit pour traverser la rue. 

Mais les grands-parents doivent toujours conserver leur côté « gâteau ». Ils doivent assurer la sécurité, mais la charge éducative ne repose pas sur eux. Cela peut être source de conflit, d’ailleurs, notamment avec certains jeunes parents qui ont des idées bien arrêtées sur la façon dont ils souhaitent élever leurs enfants et que les grands-parents ne comprennent pas toujours. 

Là encore, il est important de se mettre d’accord sur les valeurs éducatives à transmettre (autonomie, honnêteté, propreté…) D’autre part, la question des écrans et de la technologie peut poser des problèmes. Les parents peuvent souhaiter un contrôle strict du temps passé par les enfants et du contenu regardé, et les grands-parents peuvent être un peu perdus à ce sujet et avoir du mal à poser un cadre, parce que pour eux c’est quelque chose de nouveau et bien souvent inconnu. 

Il faut tenter d’arriver à un compromis : comme avec une nounou ou avec la crèche, des discussions et des échanges sont nécessaires afin d’assurer un bon ajustement.

L’entente entre parents et grands-parents

Les grands-parents dépassent parfois la frontière entre leur rôle et celui des parents. Comment les parents devraient-ils réagir devant cette situation ? 

C’est malheureusement quelque chose qui arrive très souvent, surtout lorsque le jeune parent est particulièrement démuni ou vulnérable et qu’il a besoin de ses parents pour s’en sortir, comme dans le cas des adolescentes qui se retrouvent avec un enfant. 

C’est encore et toujours au cas par cas, et le dialogue peut améliorer les choses. Le fait de devenir parent peut réactiver des conflits entre enfants et parents. On peut penser à une rivalité mère-fille qui pourra s’envenimer si la grand-mère en fait trop avec son petit-enfant en faisant en sorte que celui-ci l’adore, et qu’elle se serve de ça pour tenter de montrer à sa fille qu’elle lui est supérieure. Ça peut arriver, car le fait de devenir grand-parent ne donne pas automatiquement la sagesse ! 

Ce changement peut être une bonne occasion de discuter de ces anciens conflits, de remettre les choses à plat. Si ceux-ci ne peuvent pas être résolus par la discussion, le réseau de la médiation familiale peut apporter une aide. La thérapie familiale peut aussi être une solution. 

Mais il y a aussi des situations auxquelles on ne peut pas apporter de solution, par exemple s’il y a des relations pathologiques à type de perversion, de maltraitance. Dans ces cas, ça se terminera par une rupture.

La bonne entente entre les parents et les grands-parents est-elle fondamentale pour le bien-être des enfants ? 

Répondre oui à cette question reviendrait à faire peser une pression énorme sur les parents ! Il est évident que la bonne entente est souhaitable, mais tout n’est pas toujours parfait et quand ce n’est pas naturellement facile, le plus sage est de tenter de trouver un juste milieu, une juste distance. 

Ne pas rompre les liens autant que possible, mais ne pas non plus se forcer à être trop ensemble alors qu’on ne s’entend pas. Il est possible de laisser les grands-parents voir les petits-enfants sans la présence des parents ou bien de limiter les visites dans le temps : au lieu d’aller passer deux semaines chez les grands-parents, se limiter à une semaine par exemple, voire fractionner sur plusieurs week-ends dans l’année. 

Ce qui importe là c’est la qualité relationnelle et non la quantité. Et parfois, se voir peu c’est le gage que les anciens conflits ne resurgissent pas. Parfois, l’arrivée d’un enfant peut aussi rapprocher les parents et les grands-parents. Il arrive que les enfants se soient éloignés de leurs parents parce que pris par une activité professionnelle ou pour toute autre raison, et qu’au moment d’avoir eux-mêmes un enfant, ils sentent le besoin de se rapprocher de leurs propres parents. 

On le remarque souvent chez les jeunes mères qui cherchent à se rapprocher de leur mère ou d’une figure maternelle pour se sentir soutenue, être guidée. Inversement, enfin libérés de leurs contraintes professionnelles, les grands-parents vont véritablement pouvoir consacrer du temps à leurs petit(s)-enfant(s) alors qu’ils n’ont pas pu le faire avec leurs propres enfants.

grands-parents jouant avec leur petit-fils

Qu’aimeriez-vous ajouter en conclusion sur les grands-parents et les petits-enfants ? 

Que les grands-parents c’est précieux ! Ils ont bien souvent une disponibilité que les parents n’ont pas et il serait dommage de ne pas en profiter. Les grands-parents ont une connaissance du passé qui est plus riche que celle des parents ou en tout cas qui est différente. I

Ils peuvent apporter beaucoup à l’enfant pour l’aider à comprendre la structure familiale dans laquelle il est. Et savoir d’où on vient, c’est important. Chacun est issu d’une double lignée, et a donc une histoire familiale foisonnante. Certains enseignants font faire aux enfants leur arbre généalogique, et en thérapie, on commence bien souvent par interroger l’enfant pour savoir ce qu’il sait de sa famille et ses ascendants. Il est vraiment bénéfique que l’enfant puisse se situer dans son arbre généalogique et les grands-parents peuvent largement y contribuer. 

D’ailleurs, souvent, à l’adolescence, une fois passée leur période de rébellion, les jeunes commencent à élargir leurs centres d’intérêt et se rapprochent spontanément de leurs grands-parents pour assouvir leur curiosité. Je voudrais ajouter aussi que lorsqu’on parle de grands-parents, ça ne se limite pas aux liens du sang. Il y a aussi les grands-parents de cœur ou de substitution, que les nombreux schémas de familles recomposées ont fait se multiplier ces dernières années. 

Des liens purement amicaux peuvent également faire naître des rapports qui sont de l’ordre de ceux qui unissent les grands-parents et les petits-enfants. Plusieurs situations peuvent exister, il peut s’agir d’une voisine particulièrement proche, de la mamie d’un autre enfant… Si dans ces cas de figure la transmission de l’histoire de la famille est moins présente, il pourra tout de même y avoir une transmission de sagesse et une transmission d’une histoire intemporelle et universelle. Tout le monde a un jour été amoureux, a eu un chagrin d’amour, a été victime d’injustice, a eu des problèmes de confiance en soi… 

Bien qu’il soit à déplorer que la vieillesse ne soit plus valorisée dans notre société, il existe des initiatives visant à rapprocher les générations, par exemple des associations qui proposent du soutien scolaire dispensé par des retraités ou encore des formules de logements transgénérationnelles. Il s’agit d’une forme de transmission très proche de celle qui peut exister entre grands-parents et petits-enfants.

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